Nouvelle mesure du législateur fiscal afin de renforcer la solvabilité des entreprises suite au COVID-19

 December 8, 2020 | News | BE Law

Une « réserve de reconstitution » temporairement exonérée

Le 12 novembre 2020, le Parlement fédéral belge a approuvé l’introduction d’une « réserve de reconstitution » dans le Code des impôts sur les revenus 1992 (« CIR »). Après la « déduction anticipée pour pertes » (commentée dans notre précédente newsflash), ce nouveau mécanisme fiscal vise à renforcer la solvabilité et la liquidité des entreprises belges afin de leur permettre de surmonter la pandémie du COVID-19.

  1. Le mécanisme : une « réserve de reconstitution » temporairement exonérée

Sachant que les entreprises belges se remettent tout doucement de la crise du COVID-19, cette nouvelle mesure leur permet d'affecter une partie de leur bénéfice imposable afférent aux trois prochains exercices d'imposition (2022-2023-2024) à une réserve de reconstitution temporairement exonérée d'impôt (CIR, art. 194quater/1, §1).

Ce mécanisme optionnel ne fait toutefois que reporter l’imposition. Tôt ou tard, les bénéfices exonérés seront soumis à l'impôt des sociétés belge ("ISOC"). Les sociétés disposant de suffisamment de déductions fiscales (e.g., pertes reportées ou déductions RDT) devraient donc s'en tenir aux règles classiques.

Cela étant, ce mécanisme pourrait également permettre une certaine optimisation. À titre d’exemple, la réserve de reconstitution n'est pas soumise au régime dit de la « corbeille » (CIR, art. 207). Pour rappel, le régime de la corbeille plafonne par période imposable l’imputation de certaines déductions fiscales, dont les pertes antérieures, à un montant global d’un million d’euros majoré de 70 % du solde du bénéfice imposable. Les déductions fiscales ainsi limitées sont reportées aux exercices d’impositions suivants. Ainsi, une société résidente, dont les pertes reportées risquent d’être plafonnés en vertu du régime de la corbeille, pourrait envisager de reporter son bénéfice imposable en utilisant la réserve de reconstitution.

  1. Les restrictions : les pertes de « l’exercice comptable COVID » et le plafond de € 20 million

La réserve de reconstitution est soumise à une double restriction (BITC, art. 194quater/1, §3):

  • La réserve de reconstitution ne peut excéder les pertes de l’exercice comptable qui se clôture en 2020 (ou, dans certains cas, l’exercice comptable qui se clôture en 2021).
  • La réserve de reconstitution ne peut excéder € 20.000.000.

À titre de rappel (avant de lire l’exemple ci-dessous) : une société clôturant son exercice comptable au 31 décembre 2020 sera imposée sur les bénéfices y afférents durant l'exercice d'imposition 2021. Toutefois, pour les sociétés ne clôturant pas leur exercice comptable le 31 décembre, l’exercice d’imposition ne sera pas l’année qui suit l’exercice comptable mais l’année correspondant à celle au cours de laquelle l’exercice comptable se termine. Par exemple, une société clôturant son exercice comptable le 30 novembre 2020 sera imposée sur les bénéfices y afférents durant l'exercice d'imposition 2020.

Exemple : BelCo subit une perte de € 500.000 pour l’exercice comptable 2020. Dans ce cas, la réserve de reconstitution maximale que BelCo pourra exonérer pour les exercices d’imposition 2022-2023-2024 sera de € 500.000. BelCo ne pourra donc pas constituer une réserve de reconstitution de € 500.000 par exercice comptable (se rattachant aux exercices d'imposition 2022-2023-2024). C'est dans son intégralité que la réserve de reconstitution à exonérer (éventuellement de manière échelonnée sur les trois exercices comptables) est limitée à € 500.000. Dès lors, si BelCo constitue une réserve de reconstitution de € 400.000 pour l'exercice imposable 2021, il ne lui restera que € 100.000 pour les deux exercices d’impositions suivants (2022-2023). Pareillement, si BelCo ne subit aucune perte (€ 0) au cours de l'exercice comptable 2020, elle ne pourra pas constituer de réserve de reconstitution.

  1. Les conditions: le maintien de la réserve, des capitaux propres et du niveau d’emploi

La constitution et le maintien de l’exonération est soumise aux conditions suivantes :

  1. La société doit porter et maintenir la réserve de reconstitution dans un compte distinct au passif du bilan, dont elle ne peut se servir pour le calcul de la dotation annuelle de la réserve légale ou des rémunérations ou attributions quelconques (condition dite « d’intangibilité »).
  2. La société doit maintenir ses capitaux propres (g., pas de rachat d’actions propres, de réduction de capital ou d’attribution de dividendes).
  3. La société doit maintenir le niveau de rémunération de son personnel (= montant inscrit au poste « 620 – Rémunération et avantages sociaux directs ») à 85% au-moins du montant inscrit au même poste pour l'exercice comptable clôturé en 2020.

Exemple : BelCo verse des rémunérations de € 100.000 pour l’exercice comptable 2020 et les réduit à € 70.000 pour l’exercice comptable 2021. Dans ce cas, il y a € 15.000 de moins que la limite des 85 % (100.000 x 85 % = 85.000). Si BelCo a constitué une réserve de reconstitution, cette différence de € 15.000 deviendra taxable à l’ISOC.

  1. Les exclusions : les sociétés non-éligibles et les mesures anti-abus spécifiques

Les sociétés suivantes sont exclues (BITC, art. 194quater/1, §2) :

  1. Les sociétés qui effectuent – entre le 12/03/2020 et le jour de l'introduction de la déclaration se rattachant à l'exercice d'imposition dans lequel l'affectation de la réserve de reconstitution est présentée – une réduction de capital, un rachat d'actions propres, l'attribution ou la distribution de dividendes, ou « toute autre diminution ou distribution de capitaux propres ».

  2. Les sociétés soumises à un régime d’imposition spécifique (g., sociétés d'investissement ou sociétés immobilières réglementées, dites « SIR »).

  3. Les sociétés pouvant considérées comme « entreprises en difficulté » au 18/03/2020 (g., sociétés pour lesquelles une réorganisation judiciaire est entamée, sociétés qui sont dissoutes et qui se trouvent en liquidation ou sociétés dont l’actif net est réduit à un montant inférieur à la moitié du de la part fixe du capital social).

  4. Les sociétés qui – entre le 12/03/2020 et la fin de la période imposable endéans laquelle la société bénéficie de la réserve de reconstitution – a un lien avec des paradis fiscaux car:
  • La société détient une participation directe dans une entité établie dans un paradis fiscal (présomption irréfragable).
  • La société paie à une (ou plusieurs) entité(s) établie(s) dans un paradis fiscal € 000 durant la période imposable (présomption réfragable, à condition que la société démontre que les paiements ont été effectués dans le cadre « d'opérations réelles et sincères résultant de besoins légitimes de caractère financier ou économique »).

Pour davantage d’informations, n’hésitez pas à contacter Werner Heyvaert ou Vicky Sheikh.

 

Le 12 novembre 2020, le Parlement fédéral belge a approuvé l’introduction d’une « réserve de reconstitution » dans le Code des impôts sur les revenus 1992 (« CIR »). Après la « déduction anticipée pour pertes » (commentée dans notre précédente newsflash), ce nouveau mécanisme fiscal vise à renforcer la solvabilité et la liquidité des entreprises belges afin de leur permettre de surmonter la pandémie du COVID-19.

  1. Le mécanisme : une « réserve de reconstitution » temporairement exonérée

Sachant que les entreprises belges se remettent tout doucement de la crise du COVID-19, cette nouvelle mesure leur permet d'affecter une partie de leur bénéfice imposable afférent aux trois prochains exercices d'imposition (2022-2023-2024) à une réserve de reconstitution temporairement exonérée d'impôt (CIR, art. 194quater/1, §1).

Ce mécanisme optionnel ne fait toutefois que reporter l’imposition. Tôt ou tard, les bénéfices exonérés seront soumis à l'impôt des sociétés belge ("ISOC"). Les sociétés disposant de suffisamment de déductions fiscales (e.g., pertes reportées ou déductions RDT) devraient donc s'en tenir aux règles classiques.

Cela étant, ce mécanisme pourrait également permettre une certaine optimisation. À titre d’exemple, la réserve de reconstitution n'est pas soumise au régime dit de la « corbeille » (CIR, art. 207). Pour rappel, le régime de la corbeille plafonne par période imposable l’imputation de certaines déductions fiscales, dont les pertes antérieures, à un montant global d’un million d’euros majoré de 70 % du solde du bénéfice imposable. Les déductions fiscales ainsi limitées sont reportées aux exercices d’impositions suivants. Ainsi, une société résidente, dont les pertes reportées risquent d’être plafonnés en vertu du régime de la corbeille, pourrait envisager de reporter son bénéfice imposable en utilisant la réserve de reconstitution.

  1. Les restrictions : les pertes de « l’exercice comptable COVID » et le plafond de € 20 million

La réserve de reconstitution est soumise à une double restriction (BITC, art. 194quater/1, §3):

  • La réserve de reconstitution ne peut excéder les pertes de l’exercice comptable qui se clôture en 2020 (ou, dans certains cas, l’exercice comptable qui se clôture en 2021).
  • La réserve de reconstitution ne peut excéder € 20.000.000.

À titre de rappel (avant de lire l’exemple ci-dessous) : une société clôturant son exercice comptable au 31 décembre 2020 sera imposée sur les bénéfices y afférents durant l'exercice d'imposition 2021. Toutefois, pour les sociétés ne clôturant pas leur exercice comptable le 31 décembre, l’exercice d’imposition ne sera pas l’année qui suit l’exercice comptable mais l’année correspondant à celle au cours de laquelle l’exercice comptable se termine. Par exemple, une société clôturant son exercice comptable le 30 novembre 2020 sera imposée sur les bénéfices y afférents durant l'exercice d'imposition 2020.

Exemple : BelCo subit une perte de € 500.000 pour l’exercice comptable 2020. Dans ce cas, la réserve de reconstitution maximale que BelCo pourra exonérer pour les exercices d’imposition 2022-2023-2024 sera de € 500.000. BelCo ne pourra donc pas constituer une réserve de reconstitution de € 500.000 par exercice comptable (se rattachant aux exercices d'imposition 2022-2023-2024). C'est dans son intégralité que la réserve de reconstitution à exonérer (éventuellement de manière échelonnée sur les trois exercices comptables) est limitée à € 500.000. Dès lors, si BelCo constitue une réserve de reconstitution de € 400.000 pour l'exercice imposable 2021, il ne lui restera que € 100.000 pour les deux exercices d’impositions suivants (2022-2023). Pareillement, si BelCo ne subit aucune perte (€ 0) au cours de l'exercice comptable 2020, elle ne pourra pas constituer de réserve de reconstitution.

  1. Les conditions: le maintien de la réserve, des capitaux propres et du niveau d’emploi

La constitution et le maintien de l’exonération est soumise aux conditions suivantes :

  1. La société doit porter et maintenir la réserve de reconstitution dans un compte distinct au passif du bilan, dont elle ne peut se servir pour le calcul de la dotation annuelle de la réserve légale ou des rémunérations ou attributions quelconques (condition dite « d’intangibilité »).
  2. La société doit maintenir ses capitaux propres (g., pas de rachat d’actions propres, de réduction de capital ou d’attribution de dividendes).
  3. La société doit maintenir le niveau de rémunération de son personnel (= montant inscrit au poste « 620 – Rémunération et avantages sociaux directs ») à 85% au-moins du montant inscrit au même poste pour l'exercice comptable clôturé en 2020.

Exemple : BelCo verse des rémunérations de € 100.000 pour l’exercice comptable 2020 et les réduit à € 70.000 pour l’exercice comptable 2021. Dans ce cas, il y a € 15.000 de moins que la limite des 85 % (100.000 x 85 % = 85.000). Si BelCo a constitué une réserve de reconstitution, cette différence de € 15.000 deviendra taxable à l’ISOC.

  1. Les exclusions : les sociétés non-éligibles et les mesures anti-abus spécifiques

Les sociétés suivantes sont exclues (BITC, art. 194quater/1, §2) :

  1. Les sociétés qui effectuent – entre le 12/03/2020 et le jour de l'introduction de la déclaration se rattachant à l'exercice d'imposition dans lequel l'affectation de la réserve de reconstitution est présentée – une réduction de capital, un rachat d'actions propres, l'attribution ou la distribution de dividendes, ou « toute autre diminution ou distribution de capitaux propres ».

  2. Les sociétés soumises à un régime d’imposition spécifique (g., sociétés d'investissement ou sociétés immobilières réglementées, dites « SIR »).

  3. Les sociétés pouvant considérées comme « entreprises en difficulté » au 18/03/2020 (g., sociétés pour lesquelles une réorganisation judiciaire est entamée, sociétés qui sont dissoutes et qui se trouvent en liquidation ou sociétés dont l’actif net est réduit à un montant inférieur à la moitié du de la part fixe du capital social).

  4. Les sociétés qui – entre le 12/03/2020 et la fin de la période imposable endéans laquelle la société bénéficie de la réserve de reconstitution – a un lien avec des paradis fiscaux car:
  • La société détient une participation directe dans une entité établie dans un paradis fiscal (présomption irréfragable).
  • La société paie à une (ou plusieurs) entité(s) établie(s) dans un paradis fiscal € 000 durant la période imposable (présomption réfragable, à condition que la société démontre que les paiements ont été effectués dans le cadre « d'opérations réelles et sincères résultant de besoins légitimes de caractère financier ou économique »).

Pour davantage d’informations, n’hésitez pas à contacter Werner Heyvaert ou Vicky Sheikh.

 

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